J’avoue ne pas être un amateur éclairé de « grande » littérature. Les prixs et moi cela n’a jamais fait bon ménage. Alors quand j’ai eu connaissance de ce livre, prix Pulitzer 2007, et de son sujet post-apocalyptique, je me suis senti intrigué. Il a fallu pourtant résiter à ne pas sombrer dans l’étiquette facilement collé. Cormac McCarthy est un auteur américain contemporain. Bien que reconnu dans les millieux autorisés, il a surtout vu sa vitrine médiatique explosée lors de la présentation au 60ème festival de Cannes, de l’adaption d’un des ses romans par les frères Coen, « No Country for Old Men ».
La Route est son dernier livre. Il suit un père et son fils, dans un monde visiblement à l’agonie, envahie par le froid, suivre à pied une route menant vers le sud.
Le pitch est on ne peut plus simple, à l’image du bouquin lui-même. Dans un style incroyablement dépouillé et simple, souvent « télégraphique » dans les dialogues, McCarthy nous dépeint l’horreur d’un monde sans vie. Le monde post-apocalytique semble souvent familier pour un lecteur. Entre ce qu’on a pu voir au cinéma, lire, ou même encore jouer derrière nos écrans, il est facile pour tout un chacun de se représenter une image mentale de que pourrait être l’humanité suite à un événement dévastateur. Pourtant on est ici tout de suite happé par la singularité de ce que nous décrit l’auteur. Ici l’horreur n’a pas de nom, pas d’histoire. Tout juste devine-t-on que le feu a tout ravagé, le vent balayant des amas de cendres si gigantesque qu’ils en viennent apparemment à obscurcir l’atmosphère et provoquer des hivers rigoureux et interminables. Cet anonymat se retrouve d’ailleurs dans l’ensemble du livre, jamais un seul personnage n’est nommé. Le père et son fils ne sont jamais désigné, si ce n’est que par « l’homme », reflet forcément non fortuit d’une humanité toute entière incarné. On ne saura même jamais où se trouve cette route qu’ils suivent vers le sud. Dans quel pays l’histoire prend place.
Mais finalement, cette destabilisation du lecteur, cette désincarnation du décor et des personnages qu’un Lars Von Trier époque dogma ne renierait pas, est salutaire et sert tout le récit de McCarthy qu’il veut épuré. La forme réduite à son plus simple appareil. Les textes sont agencés sous forme d’épisodes de vie, comme un carnet de bord relaterait le voyage vers l’inconnu d’un navire au 15ème siècle. Les dialogues pauvres, concis. Car l’auteur ne veut pas ici inviter à la contemplation de l’horreur d’un monde revenu à l’état bestial. Car c’est bien ce que vont traverser ce père et son fils en voulant rejoindre le sud dans lequel ils portent tout leurs espoirs. Le monde est nu, vide de toute vie. Il ne reste ici et là que les souvenirs d’une humanité bien lointaine. La structure formelle du livre est à l’image de son sujet : la survie. C’est là tout le génie de Cormac McCarthy. Installer son lecteur dans une ambiance, poser une atmosphère, sans recourir à de longues descriptions, mais au contraire, dans l’abscence et le vide de tout ce qui fait habituellement l’humanité d’un roman.
Quant au récit en lui-même, il n’est finalement celui d’un homme qui, plus que tout, s’accroche à sa dernière flamme d’humanité. L’espoir. Mais pas l’espoir de rejoindre une terre plus hospitalière. Cette idée, l’homme l’a depuis longtemps abandonné. Celle de conserver l’innocence de son fils. La route devient une métaphore de cet espoir, un simple moyen de continuer à avancer alors que tout autour tout semble se résoudre à rejoindre un état de bestialité. Un moyen de vaincre la mort, qu’il sait pourtant, inéluctable. Car la sauvagerie est bien là, tapie dans l’ombre des bois, dans les coins reculés de caves abandonnés. Une horreur de laquelle il faut tenir écarter l’innocence de l’enface tant que possible. Jusqu’aà parfois flirter soi-même avec cette même déshumanisation. Dans une dernière partie hallucinante de justesse, la thématique prendra tout son sens. Inversant les rôles, juxtaposant les discours, McCarthy insistera sur le rôle prépondérant que chacun a put appporter à l’autre dans cette survie.
On ressort grandit de cette lecture. Si simple et sans fioritures dans sa forme, mais pointant là où il faut. La Route sonne comme une sorte de document futurologiste éclairé. Comme si tout ce qu’on avait pu voir ou lire auparavant sur un monde apocalytique ne tenait finalement plus que de la fable pour enfants. De simples mots. Juste un père et un fils sur une route. Mais qui résonneront à jamais pour qui pense un jour léguer « sa part d’humanité » à une progéniture.
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